Faire du hip-hop à l’école
Le documentaire « Allons enfants », en ce moment au cinéma, raconte un projet éducatif unique en France : permettre à de jeunes adolescents des quartiers difficiles et en décrochage scolaire d’accéder à l’éducation d’un lycée au centre de Paris par le biais du hip-hop. Rencontre avec l’un des deux co-réalisateurs Thierry Demaizière.
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Dans votre documentaire, vous suivez pendant un an la section hip-hop du Lycée Turgot à Paris. Comment est née cette initiative unique en France ?
Cette section a été mise en place il y a 7 ans par le professeur d’EPS David Bérillon. Il y a 15 ans, il avait déjà été à l’initiative du premier championnat de hip-hop de France. Puis c’est grâce au proviseur Christophe Berrand, arrivé en 2014 au lycée Turgot, qu’il parvient à réaliser son rêve : créer une section hip-hop de haut niveau en faisant passer des auditions aux gamins de troisième de tout Paris avec une affectation prioritaire à Turgot et une réussite scolaire à la clé.
Les élèves qui intègrent cette section viennent principalement de quartiers et de banlieues difficiles. Vous montrez des adolescents très sensibles, mal dans leur peau, timides voire solitaires. Quelle a été votre réaction ?
On y est allé sans a priori. On voulait échapper aux clichés des jeunes des banlieues qui sont toujours traités sous les angles de la délinquance, du deal et du rap. Nous, on a vu surtout de grands danseurs qui malgré le fait qu’ils soient en échec scolaire sont avant tout de grands artistes.
La compétition hip-hop consiste en des battles : deux équipes qui s’affrontent en dansant. L’un des élèves dit que « c’est la plus belle façon de faire la guerre ». Que représente la danse pour ces jeunes ?
La danse, c’est leur langage, c’est leur moyen de s’exprimer, c’est leur culture. Il y a des codes dans les battles : on se salue à la fin, on représente son équipe, son quartier. La danse, ça représente les valeurs de leur génération : relever la tête, regarder l’adversaire dans les yeux, le respecter. Ce sont des valeurs essentielles de la vie.
En quoi la danse les aide au quotidien ?
Il faut bien comprendre que cette section hip-hop au Lycée Turgot, c’est avant tout un projet pédagogique. La danse est utilisée pour remotiver les élèves en échec scolaire. C’est d’ailleurs le deal rappelé par le proviseur au début du film : « Pas de résultat, pas de danse ». Le hip-hop est vraiment utilisé comme un outil pédagogique pour les remettre sur le chemin de l’école.
Selon vous, qu’est-ce que les enfants apprennent grâce à cette section ?
Ils apprennent le goût de la gagne, l’esprit d’équipe, la mixité sociale, l’égalité entre les hommes et les femmes et le fait que tous les corps peuvent s’exprimer. Le hip-hop, ce n'est pas comme la danse classique par exemple où l’on attend un corps normé, longiligne, grand, élégant. Dans le hip-hop, que l’on soit gros ou maigre, noir ou blanc, fille ou garçon, on a tous sa place. C’est une école de la vie : ils apprennent la tolérance, l’ouverture d’esprit, la bienveillance.
D’après votre expérience aux contacts de ces élèves, quels conseils donneriez-vous à un jeune qui n’aime pas l’école et qui a du mal à trouver sa place ?
Il faut essayer de retrouver le désir d’aller à l’école en trouvant sa passion. Dans le cadre du lycée Turgot, le hip-hop redonne le goût de l’apprentissage. Le film raconte ces parcours d’adolescents qui sont en échec scolaire et qui, grâce à cette section, sont près de 95% à obtenir le bac. Il faut aider les jeunes à trouver leur passion pour leur donner envie d’apprendre et leur faire comprendre qu’ils peuvent trouver leur place dans la société.
Et vous, qu’avez-vous appris auprès d’eux ?
Ils sont « déter » comme ils disent, motivés, rien ne les arrête, ils ont envie de croquer la vie et pour des cinéastes, c’est magnifique d’avoir l’opportunité de filmer un élan de vie comme le leur.
Allons enfants, un film de Thierry Demairière et Alban Teurlai, actuellement au cinéma.
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