Notre démarche
L’outil Diagoriente repose sur un processus inductif de bout en bout : il aide jeunes à s’approprier une méthode d’analyse de leurs expériences pour les « traduire » en compétences. Le but est avant tout de leur faire assimiler un processus d’identification. C’est par le jeu vidéo que s’exprime concrètement cette méthode d’analyse. L’objectif du jeu n’est autre que la transmission de cette méthode.
Celle-ci consiste à diviser le processus d’identification/valorisation en petites capsules qui traitent chacune d’un élément :
- Comprendre de quoi il s'agit par le jeu;
- Choisir des expériences personnelles;
- Nommer les activités de chaque expérience;
- Graduer 3 ou 4 compétences majeures;
Ces informations rentrées dans l’application permettent d’obtenir une carte. Celle-ci agrège toutes les compétences et les expériences que le jeune a écrites. Nous appelons cette carte« carte de compétences ». Dans l’idée, elle s’apparente à méthode du bilan de compétences qui produit une meilleure confiance en soi et connaissance de soi.
Une fois qu’il a commencé à remplir cette carte de compétences, le jeune peut entamer un travail d'identification de ses intérêts pour générer des pistes métiers.
L’originalité de Diagoriente
L'originalité de l’outil Diagoriente demeure dans la place et le rôle qu’elle confère au jeune utilisateur : aux commandes de l’algorithme, c’est à lui que revient le choix des paramètres qu’il souhaite ou non activer pour se voir proposer des pistes-métiers. Concrètement, il décider de ne pas faire apparaître une ou plusieurs expériences personnelles, ou professionnelles, ou centres d’intérêt, s’il décide qu’il ne souhaite pas que cet item (ou ces items) pondère l’algorithme qui va lui proposer des pistes-métiers. Aux autres produits présents sur le marché (et payants) qui ont une approche diagnostique descendante de l’orientation, Diagoriente a été désigné dans le but de favoriser cette posture actorielle autonome dont les jeunes sont souvent départis dans la formation des choix qui gouvernent leur vie.
L'équipe de conception de Diagoriente croit avec force à l'éducation à l'orientation pour la construction d'un choix d'orientation accompagné et qui permet le plus possible de tester l'activité réelle d'un domaine métier.
« Compétences transversales », « transverses », « clés », « de base», « soft skills »…. Cette variabilité d’appellation témoigne d’une véritable difficulté à stabiliser une approche commune de ces ressources pourtant jugées indispensables pour s’insérer sur le marché du travail actuel.
Voici quelques caractéristiques qui font l’objet d’un consensus autour de la compétence :
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La compétence permet de nommer ce qui est invisible, caché, dans des situations diverses (vie quotidienne, loisirs, travail…) ;
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Elle est liée à l’action, elle permet d’effectuer, de réaliser. Il n’y a de compétences réelles que mises en actes. Elle renvoie à un contexte de mise en œuvre déterminé ;
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Elle suppose une action efficace et pertinente. Le niveau d’expertise peut être une donnée essentielle ;
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Elle est individuelle. Elle correspond à la mise en œuvre combinée de différents savoirs et savoir-faire, par une personne particulière.
La notion de compétence transversale s’inscrit plus particulièrement dans des contextes professionnels, la transversalité peut concerner plusieurs métiers ou plusieurs situations professionnelles d’un même métier.
Les compétences dites techniques sont, quant à elles, directement héritées d’un travail de refonte du ROME, initié par Pôle Emploi, qui souhaite approfondir l’association de cette institution qu’est le ROME à l’approche par les compétences.
Il s’agit soit de compétences spécifiques à quelques métiers ou à une filière car les situations professionnelles qui sont à l’origine de leur mobilisation sont elles-mêmes très spécifiques (exemple : établir un diagnostic médical), soit de compétences partagées par une frange plus large de métiers et filières tout en restant étrangères à d’autres métiers et filières.
Cet ancrage métier rend les compétences techniques particulièrement intéressantes à repérer et à valoriser dans la perspective de toute transition professionnelle (reconversion, changement de domaine / filière, changement de métier au sein de la même entreprise ou de la même filière, ou encore “pas de côté” sur un poste voisin de celui occupé à l’origine...).
Notre expertise sur l'identification et la valorisation des compétences s'est développée avec la montée en visibilité qu'a connu la notion de compétences elle-même.
Sensibles à l'évaluation de nos résultats, nous associons alors systématiquement à chaque projet un axe évaluatif venant objectiver, autant que faire se pouvait, les acquis issus des actions menées. L'exigence affichée de l'Union Européenne pour une valorisation en bonne et due forme des résultats obtenus par les projets qu'elle finançait nous a poussés à investir cette problématique de manière plus approfondie.
Agissant dans le champ de l'éducation non formelle, nous nous sommes logiquement intéressés à la notion de compétence tant elle semblait adaptée à décrire des acquis que nous constations par et dans l'action en train de se faire.
A l'époque, nous tentions de valoriser plusieurs types de résultats :
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Les acquis des jeunes porteurs de projets participatifs au sein de leurs communautés;
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Ceux des jeunes issus de milieux défavorisés qui avaient accepté de partir en mobilité européenne collective;
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Ceux des professionnels ayant utilisé, de manière novatrice à l’époque, la mobilité européenne comme vecteur d’insertion socioprofessionnelle;
Avec cette préoccupation, nous sommes entrés de plain-pied dans le monde surpeuplé des référentiels de compétences.
Afin de valoriser les compétences transversales des jeunes, nous avons choisi de nous appuyer sur le référentiel RECTEC (fruit d’un partenariat européen réunissant des experts reconnus à l’échelle internationale pour leurs travaux sur les compétences et leur certification). RECTEC est issu des travaux de l'AEFA (Agenda Européen pour la Formation des Adultes) en partenariat avec le CAFOC de Versailles, et propose 4 niveaux de graduation des compétences en relation avec le Cadre Européen des Certifications. Nous l'avons simplifié pour une appropriation instrumentée par du numérique. Le référentiel sert de grille de lecture et de compréhension des expériences de vie. Il permet d'aller dans ses expériences pour repérer ce qui constitue des preuves de capacités à faire ou à agir.
Le référentiel distingue 10 compétences transversales : Organiser son activité, Gérer des informations, Agir collectivement, Communiquer à l’oral, Communiquer à l’écrit, Agir face aux imprévus, Prendre en compte les règles, Prendre en compte les codes sociaux, Utiliser le numérique, Utiliser les mathématiques.
Le référentiel de compétences a des incidences sur :
- L’auto-perception
- La perception par autrui
- Les pratiques de formation
- Les verbalisations de ses compétences
- La clarification des étapes encore à franchir pour accéder à un niveau supérieur (en relation avec le CEC)
Inutile de chercher à réinventer la roue en matière d’identification des compétences. Depuis plus de 20 ans, des praticiens ont mis à disposition nombre de méthodes croisant les principes de la pédagogie active et de la psychologie.
Quelques éléments de base nous apparaissent essentiels pour une démarche avec des jeunes :
- La dimension collective et accompagnée dans la structure pédagogique ;
- L’approche située et contextualisée de la compétence (la compétence est liée à un contexte) ;
- La verbalisation de la compétence (explicitation) ;
- L’apprentissage de la méthode (métacognition).
Pour l’objet qui est le nôtre, à savoir permettre aux jeunes d’identifier et valoriser leurs acquis compétenciels, nous avons fait le choix d'emprunter une approche inductive : partir des expériences individuelles pour « remonter » vers le référentiel.
Cette approche passe par plusieurs étapes - biographie, analyse, récit, échanges entre pairs, etc. - que le numérique peut enrichir à condition d’avoir pensé, en amont, un scénario pédagogique centré sur l’apprenant. Toutefois, cette approche implique surtout l’intervention d’un praticien facilitateur formé à une méthode de questionnement particulière, i.e. l’entretien d’explicitation.
Grâce à la coopération immédiate des conseillers Garantie Jeunes, une première maquette papier de Diagoriente a pu voir le jour et évoluer en un prototype digitalisé testable.
La première année, nous avons également eu la possibilité de confirmer auprès de 1100 jeunes que cette entrée par les compétences et leur valorisation constituait un atout exceptionnel pour construire de la légitimité et, par là-même, de l’engagement chez des jeunes,souvent fragilisés, qui ne parvenaient pas à se projeter sur le plan professionnel (92% des jeunes passés par Diagoriente ont identifié une ou plusieurs pistes d’orientation professionnelle à confirmer par des immersions).
Cette année d’itérations avec les jeunes de Garanties Jeunes nous a également permis de déterminer quelle serait la forme vidéoludique idéale pour rendre accessible à tous les jeunes l’entrée par les compétences. Concept touffu et encore matière à débats, la compétence est sujette à une diversité d’interprétations dans le langage courant : aptitudes, qualités, traits de personnalité, savoir-faire, etc. Toutes ces notions se mélangent souvent dans l’esprit des jeunes, et ce, alors même qu’ils ont généralement été amenés à travailler précédemment cette question avec leurs accompagnants des Missions Locales ou équivalent.
Le jeu vidéo a constitué ici un support singulièrement facilitant pour partager une approche sensible et incarnée (par le jeu) de la compétence.
Grâce à lui, nous avons pu faire passer les deux principaux messages et composantes du concept de compétence, à savoir :
- Le fait que la compétence repose sur la combinaison de différentes ressources mobilisées, associées et intégrées par l’individu : ressources internes (connaissances, capacités, habiletés, expérience) et externes (autres personnes, outils, documents, etc.) ;
- Le fait que cette mobilisation de ressources est spécifique à une situation donnée (« compétence située ») et qu’elle se donne pour but d’agir.
Le Game Design le plus adapté à véhiculer ce double message consistait en un exercice de simulation d’activité professionnelle bien connue du grand public.
Les jeunes des Garanties Jeunes mobilisées dans l’expérimentation nous ont beaucoup aidés à choisir la situation professionnelle la plus familière et commune à l’appréhension de tous : celle d’un équipier de restauration rapide, chargé de préparer et d’encaisser les commandes des clients. Ils ont également choisi la forme et le gameplay du jeu, inspirés du très célèbre Cooking Fever ©.
Ce détour par le jeu vidéo a été d’autant plus efficace pour rendre accessible la notion de compétences qu’il s’adressait à des jeunes parfois très jeunes (16 ans, ayant décroché en 3ème) et/ou très peu armés en termes de distanciation et d’abstraction réflexive.
Séduite par ce résultat, la plupart des partenaires Missions Locales engagés dans l’expérimentation de Diagoriente ont même substitué notre outil à celui proposé par la Boîte à Outils nationale des Garanties Jeunes, à savoir la méthode québécoise des « compétences fortes » qu’ils utilisaient dans l’optique d’identifier les compétences des jeunes.
Enfin, cette année d’itérations continues a été cruciale pour saisir les attentes des jeunes concernés, le contexte d’usage de l’application à construire, ainsi que le périmètre des objectifs qu’elle devait initialement adresser.
Le Gameful Design renvoie à une option d’ingénierie pédagogique relativement récente impliquant l’incorporation d’éléments de gamification (intégrant des éléments et mécaniques du jeu au sein d’environnements non ludiques), d’une part, et le recours au Serious Game (articulation d’un scénario utilitaire et du jeu).
La « Gamification », « ludicisation » ou encore «ludification» repose, quant à elle, sur le transfert de mécaniques issues du jeu à des situations d’apprentissage. Elle puise sa force dans l’appétence des apprenants pour le jeu et favorise leur motivation à achever, d’une part, et performer, de l’autre.
Parmi les éléments de la gamification, on retrouve : système de points, classements, badges, etc. Ces éléments contribuent à créer une expérience engageante, dans laquelle l’apprenant est acteur de son parcours et construit petit à petit sa propre progression.
L’efficacité de la gamification est directement connectée à un système de catégorisation des profils de joueurs : la phase de préfiguration permet de mettre en exergue les profils concernés et par extension d’identifier les éléments de gamification à insérer dans le dispositif afin d’être au plus près des attentes des jeunes.
Le recours au Serious game
Concernant le recours au Serious Game, nous rappellerons la définition qu’en a proposé Julian Alvarez (Docteur en science de l’information et de la communication, chercheur), reprise par la plupart des développeurs multimédias : le Serious Game est « un logiciel qui combine une intention sérieuse, de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo.
La vocation d’un Serious Game est donc de « rendre attrayante la dimension sérieuse par une forme, une interaction, des règles et éventuellement des objectifs ludiques ». Un Serious Game est donc un outil utilisant des technologies dans l’intention spécifique de faire passer un message de manière attractive. Il vise à transmettre des contenus, faire découvrir ou acquérir des savoirs, savoir-faire variés (langues, sciences, écologie, histoire, économie, formations commerciales, etc.). Ces jeux possèdent de nombreux avantages dont « la possibilité d’apprendre à son rythme, l’adaptation du parcours à des utilisateurs de niveaux différents, l’augmentation du taux d’engagement dans l’activité d’apprentissage des apprenants […], et auraient des effets positifs sur la motivation et l’estime de soi » (CEREZO, 2012).